Michèle P.

La Calebasse et le Saucisson

J’en étais à mon 2ième séjour en Russie et j’avais fini par apprendre quelques mots et quelques phrases pour essayer de me faire comprendre…Lors de ce voyage, je suis partie avec un groupe en Sibérie ; nous dormions sous la tente, n’échangions qu’entre nous ou avec notre guide parfaitement francophone…Le terme de notre randonnée approchait ; il était prévu que nous logerions au bord du lac Baïkal chez l’habitant pour quatre jours. Nous étions répartis dans diverses habitations ; j’avais la chance de résider chez Svetlana qui élevait seule son petit-fils Daniel et qui ne parlait que russe…

 

 

Dès le premier matin, sa babouchka avait demandé à Daniel de m’énumérer toute la vaisselle et les ingrédients nécessaires à un petit-déjeuner ; je répétais chaque mot après lui et il partait d’un immense éclat de rire en oubliant de déguster sa kacha…Au ton de ferveur que Svetlana employait , je croyais deviner qu’elle me parlait de la Sibérie et du lac Baïkal en particulier pour en évoquer toute la beauté et la majesté… et je regrettais, un peu tard, de ne pouvoir lui répondre que par des sourires ou des mimiques appropriées…

Le 4ième matin, Svetlana me fit comprendre qu’un menu de fête nous attendrait le soir au retour de la balade. Avec, pour commencer , ajouta-elle, « de la calebasse... » J’étais ahurie, pas certaine d’avoir bien compris le mot… Eh bien, n’en mangions- nous pas en France ? Mais forcément, rien à voir avec sa production personnelle… m’avait mimé Svetlana, triomphante.

 

 

 

Puis le groupe est venu me chercher. Plus la journée passait plus la perspective de manger de la calebasse interrogeait. Un tel craignait pour son estomac fragile, l’autre invoquait ses dents peu solides… Enfin une idée : quelqu’un pouvait-il se dévouer pour savourer « la calebasse » au nom de tous les autres ? Nous parlions en cachette de notre guide Olessya car nous voulions éviter de prendre le risque qu’elle avertisse Svetlana de notre manque d’appétence pour le mets en question ! Nous étions tous d’accord sur ce point : nous étions venus pour vivre et manger « à la russe » et hors de question de faire un affront à Svetlana qui depuis quatre jours ne quittait guère ses fourneaux afin de régaler notre troupe d’affamés…

Le soir est arrivé : table et repas de fête. Notre hôtesse et son petit-fils étaient très élégants. Les toasts se sont enchaînés : à l’amitié entre nos deux peuples, à la santé des participants, à celle de leur famille, à la Sibérie, au lac Baïkal, à la paix, à l’amour… Dans les bouteilles, le niveau de la vodka était au plus bas tandis que, dans la pièce, le niveau sonore atteignait des sommets...ça y est, nous étions prêts ! Prêts, après avoir chaleureusement remercié Svetlana, à affronter … ? La fameuse calebasse ! En entendant ce mot, repris par notre guide qui riait aux éclats, Svetlana s’est affolée… Comment ? Nous en voulions encore ? Si elle avait su que nous l’aimerions autant, elle en aurait fourni davantage ! Et de nous tendre la dernière tranche de saucisson que personne n’avait osé prendre...Dans toutes les langues, il y a de vrais amis… et des faux !!!

Michèle

 

Pour comprendre l'histoire....!!!!. Saucisson en russe se dit "CALEBASSA" (колбаса)